Fallait-il faire tout un plat d'une bavette ? Notre ode carnivore parue ici même il y a deux semaines a suscité l'ire d'une poignée d'antispécistes prêts à commettre une entorse à leur régime et à nous manger tout cru. Leur réaction gloutonne et un tantinet hystérique est révélatrice de l'évolution de nombreux mouvements « d'émancipation », nés dans les années 60-70. Contestataires, ils ont adopté une attitude autoritaire et puritaine.
http://www.lepoint.fr/editos-du-point/sebastien-le-fol/sebastien-le-fol-l-intolerance-des-tolerants-13-07-2018-2235837_1913.php#xtmc=mark-lilla&xtnp=1&xtcr=9
Un progressisme dévoyé, préoccupé de questions d'identité sexuelle et raciale, se développe. Ses thuriféraires ne se préoccupent plus du « bien commun ». L'historien Mark Lilla, professeur à l'université Columbia, a bien analysé ce virage idéologique aux États-Unis : « Les mouvements sociaux pour les droits civiques ont connu des succès remarquables dans les années 1950, 1960 et au début 1970 », expliquait-il au Point . « Mais, après, il y a eu un basculement. Les activistes se sont moins concentrés sur le lien entre notre citoyenneté d'un pays démocratique comme les États-Unis et nos identifications au sein de différents groupes sociaux. Au contraire, les gens ont commencé à parler de leur identité personnelle, comme s'ils étaient des homoncules intérieurs, à base de race, de sexe et de genre. La fameuse question de Kennedy : Que puis-je faire pour mon pays ?, qui a inspiré la génération des sixties, est devenue inaudible. À la place, la question la plus importante aujourd'hui est : Qu'est-ce que mon pays me doit du simple fait de la vertu de mon identité ? »
Des débats déroutants
Au nom de l'antiracisme et de la lutte contre la colonisation, on voit ainsi certains défendre désormais des ateliers non-mixtes, interdits aux blancs. De la ségrégation pure et simple ! L'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) accueille une journée d'étude consacrée à… « la condition blanche ». Défaite de l'universalisme, éruption victimaire.
Les questions d'identité sexuelle cristallisent le débat. Celui-ci prend parfois des tournures déroutantes. Sur le plateau d'Arrêt sur images , un invité affirme : « Je ne sais pas ce qui vous fait dire que je suis un homme, mais je ne suis pas un homme »…
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À Londres, nous apprend Le Monde , « des féministes londoniennes ont manifesté contre le droit de femmes transgenres à se baigner parmi leurs semblables dans un étang, affirmant vouloir défendre les conquêtes féministes ». Vous suivez ? L'évolution du féminisme lui-même fait l'objet d'un vif débat. Ne virerait-il pas parfois à la chasse à l'homme ?
La gauche tétanisée
L'écologie n'est pas en reste. Les Verts sont débordés. Des disciples du philosophe australien Peter Singer nous expliquent que, étant des animaux, il n'y a pas de mal à essayer la zoophilie. Certains réclament des droits pour les plantes. Des écologistes, animés par l'hubris de l'anthropocentrisme, intentent à l'homme un procès continu. À les écouter, ne pas faire d'enfants serait le meilleur moyen de sauver la planète.
Où s'arrêtera l'escalade de ce relativisme fou ? Dans un roman hilarant, O.N.G !, l'écrivain Iegor Gran a bien montré comment les meilleures intentions du monde pouvaient produire de la haine. Il imagine comment une dispute entre deux organisations non gouvernementales pouvait dégénérer en guerre meurtrière. Il n'est pas évident que les « fanatiques de l'apocalypse » et autres justiciers du bien soient sensibles à son ironie. Face à cette radicalisation de mouvances jadis considérées comme « progressistes », la gauche intellectuelle paraît tétanisée. Elle n'ose émettre de critiques de peur d'être rangée dans le camp réactionnaire. C'est pourtant sa gêne devant ces pulsions épuratrices qui explique son déclin.
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